La musique spectrale en dix mots

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| DMT Årgang 77 (2002-2003) nr. 07 - side 30-31

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par Bruno Giner

Spectrale, vous avez dit spectrale?

Courant musical apparu au début des années 1970, c'est une musique principalement élaborée à partir du son et de ses différentes propriétés acoustiques. Qu'il s'agisse de simulation de spectres, d'harmonies fréquentielles, de synthèse instrumentale, de "résonances sympathiques", d'hybridation de transitoires ou de simulation instrumentale de procédés électroniques, les axes de travail sont multiples, variés, mais ils puisent tous leur origine dans l'introspection du son lui-même.

Avec la musique spectrale, le son réapparaît fondement de l'écriture. L 'objet sonore n'est plus cette entité inerte et composite, sécable en ses divers éléments - hauteurs, plus qu'il ne s'abolit derrière les signes d'un solfège. Il est considéré dans son unicité singulière et complexité dynamique: ses paramètres liés par sa structure acoustique sont corrélés; activés dans le champ musical, ils conditionnent les actions qui s'y déroulent. (...) Ce sont les fonctionnalités décrites qui construiront l'œuvre en cohérence et à mesure, puisque nul thème ni cellule initiaux ne vient conditionner le déroulement de l'écriture.1"

Espaces Acoustiques

Œuvre emblématique de Gérard Grisey.

Le cycle des Espaces acoustiques œuvres (de l'instrument soliste au grand orchestre) composées entre 1976 et 1985.

Prologue pour alto et résonateurs (1976), 7 musiciens (1974), Modulations pour 33 musiciens (1977), pour orchestre (1981).

Son


"Nous sommes des musiciens et notre modèle est le son et non la littérature, le son et non les mathématiques, le son et non le théâtre, les arts plastiques, la physique des quantas, la géologie, l'astronomie ou l'acupuncture2.

Cette déclaration de Gérard Grisey définit très précisément l'angle d'approche: le son et seulement le son. Nulle combinatoire post-sérielle, nulle théâtralisation du geste musical, nul calcul stochastique, nul hasard ou pratique aléatoire. Loin d'un quelconque antagonisme tonal/atonal, le son et l'ensemble de ses propriétés acoustiques sont dûment analysés, répertoriés puis révélés. Spectres harmoniques, inharmoniques, fréquences, sons différentiels, transitoires, synthèse, modulation d'amplitude, etc, etc. De ce fait, n'importe quel élément sonore décomposable acoustiquement peut s'intégrer au champ musical: sons instrumentaux, sons électroniques, sons bruiteux, etc. La musique spectrale peut être instrumentale, électronique, électroacoustique, mixte ...

Spectre

Joseph Fourier (mathématicien 1768-1830) a démontré que certains mouvements périodiques complexes peuvent se décomposer en une somme de sinusoïdes dont les fréquences sont les multiples entiers d'un son fondamental. La représentation qui associe fréquence et amplitude définit le spectre harmonique d'un son fondamental (un son de flûte par exemple). Si les divers composants sont sinusoïdaux mais que leur fréquence n'est pas un multiple entier du son fondamental, le spectre n'est plus harmonique mais inharmonique. Les composants sont des partiels (par exemple un son de piano, de gong ou de cloche). Si les composants sont quelconques et n'ont aucun rapport entre eux (le bruit blanc par exemple) le spectre est dit aléatoire.

Transitoires

Un transitoire est un élément instable qui apparait à l'attaque et à l'extinction d'un son, déterminant quant à la perception du timbre.

1. Transitoire d'attaque: élément bruiteux plus ou moins long, plus ou moins important qui caractérise le début d'un son (choc, souffle, frottement ...). Ce transitoire est un partiel très bref qui dure jusqu'à ce que le corps du son soit totalement établi.

2. 2. Transitoire d'extinction: généralement peu bruiteux, sa durée varie selon l'instrument et le mode de jeu utilisé (extinction artificielle d'un son de clarinette ou de violoncelle, extinction naturelle d'un gong ...).

Les transitoires sont essentiels quant à la perception du timbre.

Formants

La zone formantique d'un spectre est une zone renforcée par la prédominance (forte intensité) de tel ou tel harmonique ou partiel. Ce phénomène a été mis en évidence par F. von Hemholtz (1821-1804) grâce à ses expériences sur différents types de résonateurs. Au lieu de partiels ou d'harmoniques, on parle alors de formants.

Timbre

La sensation de timbre dépend des composants harmoniques ou inharmoniques, de leur nombre, de leur place et de leur intensité respective par rapport à un son fondamental.

Processus et simulation

La musique spectrale est souvent basée sur des processus de recompositions, décompositions, transformations ou interpolations de spectres ou partiels. Afin de percevoir les différents procédés de simulation artificielle de processus naturels, la dimension temporelle continue et linéaire est essentielle, obligée. Par exemple, le début de Partiels de Gérard Grisey recontruit un transitoire d'attaque de trombone et contrebasse sur un spectre de Mi. Si en temps réel ce phénomène dure environ 200 millisecondes, le processus de reconstitution (orchestration) des formants et leur mise à jour audible demande plusieurs secondes. Il en est de même concernant la simulation instrumentale de procédés électroniques. Citons à titre d'exemple la reconstitution (simulation) d'un processus de réinjection en boucle dans l'œuvre de Tristan Murail: $Mémoire/Érosion (1975-76).

Avant, pendant, après ...

La musique spectrale n'est pas seulement une réaction ou un contrepied au post-sérialisme. Elle trouve ses racines chez Varèse (rapport indissociable entre instrument-note-timbre), Messiaen (accords de résonance), Scelsi (instrospection à l'intérieur d'une seule note), Ligeti (textures) et aussi le Stimmung de Stockhausen basé sur un seul accord de neuvième de dominante (1968).

Les principaux compositeurs qui représentent la tendance spectrale au début des années 1970 sont Gérard Grisey, Tristan Murail, Hugues Dufourt, Horatio Radulescu, Gilles Tremblay, Claude Vivier, Jonathan Harvey. L'ensemble à géométrie variable français L'Itinéraire (il succède au Domaine musical en 1973) s'inscrit particulièrement dans cette esthétique.

Suite aux travaux de leurs aînés, plusieurs compositeurs de la génération intermédiaire suivante y puisent plus ou moins leur inspiration (d'une façon ou d'une autre). Citons par exemple Kaija Saariaho, Claudy Malherbe, Marc-André Dalbavie, Georges Benjamin ou Philippe Hurel.

Dix œuvres clés

1969: Credo (H. Radulesco)

1974: Appels (M. Levinas)

1975: Partiels (G. Grisey)

Sables (T. Murail)

1978-79: Saturne (H. Dufourt)

1979: Jour contre jour (G. Grisey)

1980: Gondwana (T. Murail)

1980: Mortuos Plango, vivos voco (J. Harvey)

1982: Désintégrations (T. Murail)

1983: Envoi (G. Tremblay)